DRM : solution miracle ou ennemi public n°1 ?
La grande inquiétude face à la diffusion du livre numérique, c’est le piratage. Et pour lutter contre le piratage différentes options sont possibles. Nous les envisagerons toutes dans les prochaines semaines. Mais commençons aujourd’hui par comprendre les enjeux de la technique de lutte contre le piratage qui semble, à la fois, rassurer le plus la majorité des éditeurs et susciter le plus de controverses : le DRM ou Digital Rights Management (en français : la Gestion des droits numériques contre les copies illégales).
Quelques questions pour y voir plus clair…
1. Comment fonctionnent les DRM ?
Parmi les techniques utilisées :
- le cryptage : les fichiers HTML du livre sont cryptés de telle sorte que votre tablette doit absolument contenir une clé pour pouvoir les lire.
- l’incompatibilité sélective : l’éditeur détermine sur quel support le livre peut être lu. Ainsi, un livre verrouillé via le programme d’Adobe (Adobe Content Server 4 ou ACS4) ne peut être consulté que sur Adobe Digital Edition.
2. Qui se charge d’insérer les DRM ? Généralement, ce sont les distributeurs qui se chargent de verrouiller/protéger les livres des éditeurs demandeurs. Ils facturent ensuite le coût de ce service aux éditeurs.
3. Qui recommande l’utilisation des DRM? Effrayés à l’idée de voir le marché du livre subir le même sort que celui de la musique, les DRM ont été adoptés par beaucoup d’éditeurs pour contrer le piratage. C’est d’ailleurs la solution que préconise le SNE (Syndicat national des éditeurs français). En Belgique, l’ADEB ne prend pas attitude sur ce dossier et estime que c’est à chaque éditeur de faire ses choix.
Toutefois, comme le signalent Immatériel.fr, Aldus, La Feuille et bien d’autres encore, les DRM peuvent être inefficaces voire révoltants.
4. Quels sont les inconvénients des DRM ?
Leur coût :
- pour les éditeurs : comme l’indique l’étude Le coût d’un livre numérique, réalisée par Hervé Bienvault : ajouter des DRM par Adobe revient à 0,40 € par exemplaire. Soit environ 3% du prix de vente. De plus, l’utilisation du logiciel Adobe est facturée 75 000$ par an.
- pour les libraires : ils doivent fréquemment rembourser des clients mécontents des contraintes imposées par les DRM, ou assurer un service après-vente très important auprès des utilisateurs perdus par la complexité technique du système. Voir par exemple ce qu’en pensent Immatériel.fr ou la Librairie Dialogue en France qui a pris une position radicale et décidé de ne plus vendre d’ebook avec DRM.
Leur faible efficacité :
- Il est finalement assez facile de « craquer » le DRM d’un livre. Ce tutoriel relayé par de nombreux sites et blogs en est la preuve. Par ailleurs, la récente étude du MOTif, l’offre illégale de livres numériques sur internet conclut à une augmentation progressive du piratage malgré la pose de DRM. Néanmoins, la plupart des éditeurs Gallimard, Le Seuil, Albin Michel, Hachette, etc., utilisent les DRM d’Adobe !
Les contraintes pour l’utilisateur :
- Les verrous retirent au livre numérique toute sa valeur ajoutée. Notamment parce qu’ils entraînent un manque d’interopérabilité : une fois le livre acheté, le lecteur ne peut le consulter que sur les supports acceptés par les DRM. Par exemple, un livre acheté chez Apple ne peut être lu que sur un I Pad ou un I Phone et ne peut pas être transféré par l’acheteur sur son PC par exemple. (Anoter que ce dernier point va précisément à l’encontre des conseils apportés dans le rapport Patino de 2008 qui stipulait que l’interopérabilité des supports était une des clés du succès de l’ebook !)
5. Qui s’oppose aux DRM ? De nombreuses voix d’auteurs, de lecteurs, de bibliothécaires, de libraires s’élèvent sur la Toile contre ces protections. Une déclaration des droits de l’utilisateur de livre numérique a même été promulguée (voir le site officiel – en anglais) . Elle promeut notamment le droit pour tous les utilisateurs d’annoter, de partager les extraits de livres numériques, de pouvoir les consulter sur n’importe quelle plateforme, etc.
Pour plus d’informations :
- Sur Aldus : DRM et livres : nos droits de lecteurs
- Sur eBouquin : La déclaration des droits numériques du lecteur
6. Quelle alternative aux DRM ? Certains éditeurs ont ainsi décidé d’abandonner totalement l’ajout de protection ; d’autres se tournent vers une solution alternative comme le watermarking. (Nous reviendrons prochainement sur cette technique). Une centaine d’éditeurs parmi lesquels Eyrolles, la Découverte ou Bordas ont d’ores et déjà renoncé à utiliser les DRM d’Adobe.
Pour plus d’informations sur cette question :
- Le Guide de la gestion des droits numériques à l’usage des consommateurs (projet INDICARE).
- Une vidéo explicative réalisée par ARTE : http://www.dvanw.com/misopoint/drm/index.html
M.C.
— Clotilde Guislain