Auguste, la revue à caractère imprimé et pourtant si numérique
Pensez-vous « numérique » lorsqu’on vous parle de revue littéraire ? Non, certainement pas. Et pourtant les deux ne sont pas incompatibles, loin de là ! La preuve avec la revue Auguste, jeune de trois numéros. Un projet porté par des passionnés qui ont relevé le défi du numérique. Rencontre avec Quentin Leclerc, l’initiateur de la revue.
L’idée de créer une revue littéraire germait dans mon esprit depuis quelque temps. Un jour, j’ai « lancé une bouteille à la mer » sur Twitter un peu pour rigoler. Des gens avec qui je discutais régulièrement y ont répondu très sérieusement et se sont pris au jeu. Le projet a donc été initié par des personnes qui ne se connaissaient pas, autour d’une simple discussion dans un monde virtuel. Nous avons tous des profils différents et nous ne nous serions jamais rencontrés dans la vie réelle. Et nous ne nous sommes d’ailleurs jamais rencontrés, ce qui n’empêche pas la revue de paraître. C’est la grande force du Net : rassembler les gens autour d’intérêts communs.
Dès le départ, on avait surtout comme ambition de lancer une revue (le format a toujours été celui-là) centrée sur la lecture de fictions, mais dégagée de toute cette aura propre aux revues dites littéraires qui ont souvent un contenu un peu trop scientifique, ou alors essentiellement dédié à la critique.
Comment qualifier votre projet éditorial ?
On voulait fournir une base claire : des histoires sous une forme propre à chacun. Aucun thème n’est imposé. Aussi, c’est un endroit où, sommairement, chacun (si l’histoire convient à notre comité de rédaction) peut raconter ce qu’il veut avec sa propre sensibilité. N’ayant pas les fonds pour produire une revue payante, ni rémunérer nos collaborateurs, nous avons entrepris un projet de bénévolat, en contactant certaines personnes qui se sentaient prêtes à nous aider. Celui-ci nous confortait dans l’idée (et on en est de plus en plus convaincu !) qu’il était possible de fournir un « produit » de qualité tout en faisant cela gratuitement et ce, sans apparaitre comme des amateurs complets.
Dispersés géographiquement, comment vous organisez-vous pratiquement ?
Nous avons créé un groupe privé sur Facebook. Celui-ci nous permet de communiquer régulièrement et d’organiser nos plannings. Il s’agit d’une activité bénévole et pour que cela ne devienne pas ingérable, nous nous assurons que les tâches soient bien réparties. Nous publions une revue tous les deux mois, ce qui nous laisse le temps de nous organiser. Nous consacrons généralement un mois et demi à la rédaction des textes et à la réalisation des illustrations. Ensuite, nous procédons aux corrections durant une semaine, en nous focalisant particulièrement sur les coquilles. Après cela, Judith, notre graphiste, réalise la maquette et le pdf. La dernière semaine est quant à elle consacrée à la numérisation de la revue aux formats epub et mobi.
Pourquoi avoir choisi une publication exclusivement numérique ?
Le numérique s’est tout de suite imposé à nous, sans même parler des difficultés financières, parce qu’actuellement la lecture connait un essor incroyable sur ce support (on en veut pour preuve les ventes de liseuses qui sont en nette croissance). Selon nous, la Toile est l’endroit idéal pour diffuser et raconter des histoires courtes.
Prodiguez-vous des consignes spécifiques à vos auteurs pour correspondre aux formats numériques ?
Non, nous ne donnons aucune instruction. Nous publions une revue, mais nous ne sommes pas pour autant des éditeurs. Si nous recevons des textes qui ne nous conviennent pas, on ne les retient pas. On ne commence pas à faire un travail de fond.
Actuellement, nous n’avons aucune limite (quant les personnes qui veulent soumettre leurs textes, quant contenu ou quant au format : nouvelle, feuilleton, conte, etc.) et cherchons éventuellement à casser la continuité des nouvelles par des dessins d’illustrateurs, des planches ou d’autres rubriques axées sur des livres qui sortent des sentiers battus. En publiant la revue, on profite d’un endroit entièrement dédié à la lecture qui ne dépend d’aucune structure. Nous n’avions aucune envie d’un blog, ni même d’un site.
Par quelles difficultés numériques avez-vous été surpris ?
Nous avions clairement sous-estimé la complexité des différents formats numériques. Si le pdf ne pose pas de problème, il n’en va pas de même pour les formats epub et mobi, réellement plus complexes. Or, nous ne sommes pas des professionnels de l’édition numérique, au contraire nous sommes tous des débutants en la matière. Partant du principe qu’à l’ère de l’ « internaute autodidacte », tout est possible à qui le veut, nous pensions pouvoir facilement produire un epub et un mobi de bonne qualité. Nous avons pas mal « bricolé » pour le premier et le résultat n’a pas été très concluant. Pour les numéros suivants, nous avons donc fait appel à un professionnel, car chaque format nécessite des connaissances techniques. Il nous manquait également les compétences d’un maquettiste. Le challenge est évidemment de parvenir à repenser la structure du livre au format numérique.
Pourquoi publier également au format pdf progressivement abandonné par les éditeurs numériques ?
Pour le moment, notre lectorat se résume à Twitter et nous voulons garder l’étiquette de revue numérique. En même temps, nous aimerions toucher un plus large public. C’est pour cela que nous publions également en pdf. D’ailleurs, en termes de téléchargement, nos lecteurs privilégient massivement ce format. Le grand public n’a pas peur du pdf, il l’utilise tous les jours. C’est un format qui n’exige pas de prérequis ou très peu. Nos lecteurs l’impriment et le lisent dans les transports en commun. Nous nous sommes adaptés en conséquence. Au départ, nous avions prévu un fond de couleur et puis nous nous sommes rendu compte que vider les cartouches d’imprimante de nos lecteurs risquait de nous porter préjudice.
L’un de nos plus gros obstacles est sans doute la méconnaissance des différents formats numériques par le grand public qui n’arrive pas encore à associer l’epub aux tablettes et aux liseuses, et le mobi au Kindle. On sent les lecteurs fragilisés par cette méconnaissance alors on s’est senti obligé de jouer un rôle pédagogique et de préciser les utilisations de ces formats. C’est aussi une part de notre travail.
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— Stéphanie Michaux