Feedbooks, une librairie à l’heure du numérique
Feedbooks est une librairie 100% numérique. Depuis son lancement en 2007, l’entreprise a fait du chemin : elle propose aujourd’hui un catalogue de 250 000 ouvrages et compte en moyenne 3,5 millions de téléchargements par mois. Tout récemment, Feedbooks a annoncé avoir levé un million d’euros auprès d’A Plus Finance pour renforcer sa stratégie éditoriale et poursuivre sa croissance internationale. À l’occasion du Salon du Livre de Paris, nous avons rencontré Hadrien Gardeur, l’un de ses fondateurs.
Feedbooks est une librairie numérique, c’est d’ailleurs notre seule activité. Nous offrons un large catalogue de livres issus du domaine public, édités ou autoédités. Nous privilégions une approche globale et nous attachons une importance à la distribution sur smartphones. Feedbooks est ainsi disponible via plus de vingt applications aussi bien sur iPhone que sur Android.
En plus de cela, nous sommes très impliqués dans les évolutions technologiques du livre numérique. Nous avons par exemple participé à la mise au point du protocole OPDS aux côtés d’Adobe, Stanza ou O’Reilly. Ce protocole, basé sur le modèle du web : ouvert et décentralisé, vise à fournir un standard que tous – libraires, bibliothécaires, éditeurs ou lecteurs et même logiciels de lecture – pourront adopter. Nous sommes également les premiers libraires à avoir supporté dès 2007 le format ePub, aujourd’hui considéré comme un format standard.
Bien plus, nous sommes très impliqués dans l’interprofession et dans le développement des processus de distribution et de classification des livres électroniques. Grâce à notre approche basée sur une connaissance complète de la chaine, nous souhaitons créer un environnement technologique pour le livre numérique.
Comment Feedbooks se différencie des autres librairies en ligne ?
Par son savoir-faire technologique premièrement. Comme je l’ai dit, nous avons été les premiers à distribuer l’ePub et nous sommes l’un des seuls libraires à travailler la médiation numérique.
En outre, Feedbooks est sans doute le plus international des libraires numériques français, car nous sommes présents aussi bien sur le marché américain qu’en Allemagne ou en France. Prochainement, nous nous tournerons vers l’Espagne et l’Italie. Nous avons donc une connaissance poussée du marché international.
Et puis surtout, Feedbooks c’est la volonté de remettre le libraire au centre de l’innovation. Notre équipe comprend de vrais libraires qui effectuent un réel travail d’ouverture de classification du catalogue.
Quelle est votre vision du marché du livre numérique et de l’évolution du catalogue ?
Les gens lisent et achètent des livres au format numérique, c’est indéniable. Nous diffusons un catalogue de livres issus du domaine public ; ces livres sont téléchargés des millions de fois par mois. Et que constate-t-on ? Le public revient vers les grands classiques de la littérature grâce aux livres électroniques. Les ebooks gratuits sont une excellente occasion de se familiariser avec le numérique.
En ce qui concerne l’ouverture du catalogue numérique, les nouveautés augmentent et c’est tant mieux. On observe une diminution de 30 à 40% du prix par rapport au livre papier sur la plupart des titres. Les lecteurs numériques sont à la recherche des versions digitales, en tous cas, ils accrochent. Le domaine public comme on en parlait précédemment est largement accessible ; le gros problème reste surtout le fonds des éditeurs traditionnels qui n’a pas encore été numérisé pour des raisons de droits ou de moyens.
Mais on a constaté d’importants progrès cette année, les grands éditeurs se sont mis à éditer au format numérique. Ça témoigne d’un changement. Par exemple, Folio a réalisé un vrai travail sur leur gamme de prix. Même si leur fonds n’est pas entièrement disponible, ils adaptent leurs prix et s’alignent sur ceux des poches. Le livre numérique a besoin d’initiatives comme cela pour se développer.
Quels genres littéraires sont les plus téléchargés sur votre plateforme ?
La littérature de genre fonctionne très bien. Il y a une vraie attente de la part du public. Les littératures noire, policière, érotique ou sentimentale tirent toujours le marché. Ce fonds est très apprécié. Mais désormais, il y a aussi une demande au niveau des nouveautés. Par exemple, La couleur des sentiments a très bien marché, surtout si le livre est moins cher qu’en version papier. Par contre l’essai peine à trouver son public.
Quelle est votre position sur les DRM ?
Le Digital Rights Management n’est pas une solution au piratage. Loin de là. La plupart de nos demandes de support concernent des problèmes ou des questions sur les DRM. Sur le plan international, on constate un net recul des DRM, des éditeurs les abandonnent progressivement, mais il y a encore du chemin à faire. Si le DRM pose de nombreux problèmes pour le libraire indépendant, il dégoûte surtout les gens du numérique et c’est dramatique pour le grand public.
Comment les lecteurs arrivent-ils sur Feedbooks ?
Certains nous suivent depuis longtemps parce que nous sommes des pionniers dans notre domaine et ils savent que nous proposons des fichiers de qualité. Le grand public, lui, arrive par des sentiers détournés comme nos interviews par exemple. Ce sont des gens qui s’intéressent à des thématiques, à des auteurs que nous mettons en avant. Et puis, surtout notre offre gratuite est largement connue, ce qui guide indéniablement les lecteurs vers nos contenus payants.
Par ailleurs, notre catalogue est également accessible via de nombreuses applications de lectures qui répondent aux besoins de publics très différents : les amoureux du livre, ceux qui suivent l’actualité littéraire et les nouveaux lecteurs.
Pour nous adapter à tous ces publics, nos libraires classent les ebooks en vente sur notre site par catégories, par sous-genres de manière à guider les lecteurs dans leurs recherches. Comme dans une librairie classique en somme. Grâce à un vocabulaire contrôlé, nous recréons des rayons qui sont familiers pour le lecteur. On essaie de multiplier les points d’indexations et les points d’entrée pour aider l’internaute dans sa quête.
Malheureusement, contrairement à la librairie classique, nous ne pouvons pas conseiller directement le lecteur. Nos échanges passent plutôt par les réseaux sociaux ou les supports. On effectue un gros travail sur le contenu, on prend la parole sur des blogs, on contacte les éditeurs pour être tenus au courant des nouveautés pour faire des mises en avant, recevoir des services de presse et animer notre communauté comme tout autre animateur culturel. On n’est pas qu’une plateforme e-commerce qui génère du flux d’informations.
Vous venez d’annoncer une levée de fonds d’un million d’euros.
Quels sont vos projets ?
Tout d’abord, nous allons poursuivre notre croissance internationale en développant notre présence en Espagne et en Italie. Ce qui implique l’engagement de nouveaux libraires qui vont sonder le marché, créer de nouveaux blogs, se mettre en contact avec les leaders d’opinion, etc. Ça, c’est le premier projet. Parallèlement, nous souhaiterions également renforcer notre stratégie éditoriale.
Qu’entendez-vous précisément par stratégie éditoriale ?
Par stratégie éditoriale, nous entendons avoir une voix dans le monde du livre. Cela va de la création de contenu, des prises de parole régulières sur des forums à la mise en ligne d’interviews et la scénarisation du catalogue. Non seulement nous organisons notre catalogue par genre, mais également par bassin linguistique. Prenons l’exemple du policier, nous avons bien sûr une catégorie « Policiers et Mystères » qui est elle-même subdivisée par littérature d’origine : les policiers américains ou les policiers scandinaves n’ont pas du tout le même univers.
Nos libraires réalisent un réel travail culturel et développent des axes de découvertes. En somme, nous effectuons tout le travail d’un libraire traditionnel transposé au numérique.
Retrouvez tout le catalogue de la librairie Feedbooks ici.
— Stéphanie Michaux