Chroniqueur de livre numérique à la télévision, ça existe. L’exemple belge
Connu pour ses talents de scénariste de bandes dessinées, Michel Dufranne est également à la tête de la seule rubrique dédiée au livre numérique en télévision francophone. Tous les quinze jours, celui-ci partage ses découvertes digitales dans l’émission Livrés à domicile diffusée sur la RTBF, la chaine publique belge.
Comment es-tu devenu le seul chroniqueur de livre numérique en télévision francophone ?
Très bonne question. Je n’ai pas un parcours traditionnel, c’est le moins qu’on puisse dire. J’ai une formation de psychologue du travail. Après un mémoire réalisé au Canada, j’ai été tour à tour chasseur de tête, chercheur à l’Université Libre de Bruxelles, chroniqueur littéraire et chargé de cours. Parallèlement, je suis devenu rédacteur en chef de Science-Fiction Magazine, qui fut ma première expérience professionnelle dans ce domaine et me permit de rencontrer Stéphane Marsan de Bragelonne ou Henri Loevenbruck. J’ai continué ma voie, relancé un magazine publié par Delcourt, découvert le milieu de l’édition et de la bande dessinée jusqu’à devenir responsable de la communication interne chez cet éditeur parisien et auteur de bande dessinée à part entière. A mon retour à Bruxelles, Thierry Bellefroid m’a parlé de son émission Mille-feuilles et j’ai intégré l’équipe pour animer la rubrique « mauvais genre » qui abordait les genres du thriller, du polar, de la bit-lit etc.
L’émission a pris son envol et le livre numérique a commencé à percer, assez du moins pour que la Foire du livre de Bruxelles lui consacre une édition. Là, on s’est dit qu’il faudrait qu’on en parle plus souvent, les liseuses sont apparues progressivement, l’offre gratuite sur internet aussi et les sujets se sont multipliés au fil des émissions. Après la refonte de l’émission qui a laissé sa place à Livrés à domicile, la séquence a trouvé tout naturellement sa place.
Quelle ligne éditoriale t’es-tu fixée pour cette rubrique ?
Pour l’instant le livre numérique ne représente qu’1% du marché du livre, ce chiffre tendra à augmenter dans un laps de temps plus ou moins court, mais pour l’instant les informations et les nouveautés viennent surtout de France. L’objectif est aussi de montrer qu’un livre électronique ne remplacera que partiellement le papier. Notre but n’est pas d’évangéliser à tout prix, on ouvre des portes. A mes yeux, la tablette – dans le cas d’applications pour enfants -, ne remplace pas le livre mais bien la télévision. On est surtout dans une optique de découverte, le livre numérique encourage la créativité… essayons, testons puisque les prix le permettent. C’est donc l’occasion d’aller au-delà de nos lectures traditionnelles.
Notre position est ambigüe d’un certain point de vue car on a bien entendu envie que les gens se lancent dans le numérique, mais en même temps notre discours c’est aussi « N’achetez pas de liseuses maintenant, la technologie n’en est qu’à ses prémisses en termes de numérique« . Alors, bien sûr, le numérique, c’est une sorte de ghetto. On peut parler d’auteurs publiés uniquement au format numérique mais ça crée une confusion parce que les lecteurs traditionnels ne peuvent y accéder. C’est difficile de parler d’un auteur numérique télévisuellement parlant. Je préfère pour le moment parler des éditeurs, de leurs initiatives, de leur force, de la créativité qu’ils dégagent et des risques qu’ils prennent.
Quelles sont justement les difficultés de parler du livre numérique à la télévision ?
Tout d’abord l’offre numérique est très disparate. Les éditeurs pure-players ne sont pas organisés de la même manière que les éditeurs traditionnels. Ils ne disposent pas souvent d’un service de presse, la communication n’est pas structurée de la même manière et il est parfois même difficile de rentrer en contact avec eux ou d’obtenir une réponse à mes demandes de service de presse par exemple. L’édition numérique pour le moment est un monde clos. J’essaye de ne pas trop cloisonner, de faire des passerelles avec par exemple La Douce, le titre augmenté de Schuiten qui a été intégré dans l’émission où l’auteur nous recevait chez lui.
Qu’est-ce qui t’intéresse dans le livre numérique ? Y a-t-il un genre qui attise ta curiosité ?
Les applications pour la jeunesse m’intéressent beaucoup. Bien sûr, on peut se demander si une application est un livre numérique… et oui, c’en est un à partir du moment où il y a du contenu. Ce n’est pas le contenant qui importe, mais bien le contenu et son adaptation au support. Parfois, c’est vrai, on flirte avec le dessin animé et on peut se demander où est la limite mais il y a une série de codes propres à la lecture qui sont intégrés dans ces productions qui en font un livre numérique.
Quelles sont les réactions des téléspectateurs à propos de la rubrique ?
Difficile à évaluer. Bien entendu, on reçoit beaucoup de réactions du type « Jamais je n’abandonnerai le livre papier » et c’est normal. Mais il faut arriver à se dégager de ce débat de la fin du livre. On a aussi des réactions de personnes convaincues, qui ont découvert des applications, des auteurs ou des livres numériques suite à l’émission. On reçoit aussi beaucoup de questions de téléspectateurs qui sont intrigués et qui veulent savoir par quoi commencer.
La prochaine émission de Livrés à Domicile qui recevra Patrick Delperdange sera diffusée le lundi 28 mai à 22H55 sur La Deux.
Vous pouvez revoir les émissions de Livrés à Domicile en ligne.
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— Stéphanie Michaux