Thomas Fourmeux : « La Piratebox, c’est surtout l’occasion pour nos lecteurs d’accéder à la connaissance »
En ce mois de mai, Lettres numériques a décidé de consacrer plusieurs articles au piratage. Pour commencer ce cycle, nous sommes allés à la rencontre de Thomas Fourmeux, assistant multimédia pour le réseau des bibliothèques d’Aulnay-sous-bois et à l’initiative de l’une des premières piratebox de France. Quelques mois après ce lancement, il revient sur ce projet et dresse avec nous un bilan d’étape.
Pourquoi avoir appelé votre projet Piratebox ? N’aviez-vous pas peur que ce terme porte à confusion ?
Non, que du contraire. Ce choix est pleinement assumé. Piratebox, ça choque, ça interpelle. Mentalement, on l’associe directement à quelque chose d’illégal, voire de criminel. Nous avons expressément opté pour ce choix pour jouer sur le côté subversif. Bien entendu, on me l’a reproché, y compris sur mon blog où l’on m’a signalé plusieurs fois que le terme n’était pas approprié. Il s’agit en fait d’un dispositif qui permet de télécharger des contenus appartenant au domaine public ou libres de droit. Donc rien de criminel, mais nous ne changerons pas le nom de ce projet. Nous restons persuadés que cela accompagne le côté novateur que nous voulons insuffler à notre bibliothèque.
A ce propos, est-ce difficile d’être novateur en bibliothèque à l’heure actuelle ?
Oui, d’un certain côté. On fait face parfois à une certaine inertie. Il faut bien se rendre compte que le changement et la nouveauté suscitent des crispations, c’est naturel. Mais il est temps de moderniser les bibliothèques. Elles ne peuvent rester imperméables au numérique. En ce qui nous concerne, Piratebox était l’occasion de marquer le coup, de donner une image avant-gardiste. L’objectif était de mettre en avant notre dispositif de médiation numérique, de le présenter comme une évolution naturelle de notre bibliothèque et d’introduire le livre numérique auprès de notre public. Piratebox, c’est surtout l’occasion pour nos lecteurs d’accéder à la connaissance d’une nouvelle manière, mais aussi de promouvoir des œuvres du domaine public.
Avez-vous pu déjà mesurer les résultats de cette opération ?
La Piratebox est un projet expérimental, il faut bien s’en rendre compte. Les retours n’ont pas été gigantesques, mais des lecteurs sont venus télécharger des livres numériques pour leurs tablettes et leurs liseuses. Plus largement, nous avons pu mesurer d’autres pratiques liées au numérique. On s’est rendu compte que certaines d’entre elles n’étaient pas acquises par nos habitués, par exemple, se connecter à un réseau wifi. Certaines personnes ne l’avaient jamais fait. On a fait un grand travail de médiation pour ce dispositif, c’est la première étape. Si on expérimente les possibilités qui nous sont données par le numérique, on doit s’assurer qu’elles soient accessibles par notre public pour qu’il puisse en profiter pleinement. Le numérique, c’est aussi une solution à nos problèmes : grâce à lui, on s’affranchit du livre papier. On n’est moins dépendant des livres perdus ou en prêt. On peut répondre à plus de besoins.
Vos lecteurs sont-ils prêts à passer au numérique grâce à la bibliothèque ?
Oui, nous avons mené une expérimentation avec le MOTif pour le prêt de liseuses au sein de notre bibliothèque. Le test s’est révélé très positif. Des grands lecteurs sont venus témoigner de leur intérêt pour ces formats, notamment parce qu’ils avaient des problèmes de vue.
À quels défis doit faire face votre bibliothèque ?
On ne le cache pas, la bibliothèque est en perte de vitesse par rapport au public que nous visons. Il nous faut renouveler notre public. Le numérique est une piste, nous pouvons répondre aux besoins de ce nouveau public grâce aux technologies. Par ailleurs, il faut faire un travail de modernisation pour faire venir à la bibliothèque un public plus jeune. c’est dans ce cadre que la Piratebox a été mise en place. On s’est rendu compte que les jeunes venaient avec leurs ordinateurs et leurs smartphones pour accéder au wifi. Bien entendu, cette initiative ne résout pas les problèmes d’une population immigrante qui ne sait pas lire le français. C’est pour cela que nous devons mener plusieurs campagnes différenciées, avec des ateliers différents par exemple, en fonction des publics à qui nous nous adressons.
Quels sont ces autres actions que vous mettez en place ?
Par exemple, nous organisons des ateliers avec des iPads, les heures du conte numérique, pour les enfants. Par petits groupes, nous les initions à la lecture numérique avec leurs parents. On leur fait découvrir la tablette, sa complémentarité avec le livre papier durant un moment partagé autour du numérique.
Nous avons de la chance, car notre direction nous soutient beaucoup dans nos projets, ce qui nous permet de tester beaucoup de choses.
Rendez-vous la semaine prochaine pour un autre article sur le piratage.
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— Stéphanie Michaux