L’ePub 3 enrichi : opportunités et limites
Auparavant, l’ebook enrichi désignait surtout une application développée par iPad qui permettait la lecture d’un livre numérique agrémenté de sons, de vidéos et d’animations diverses. De ce concept d’ebook enrichi, destiné à un nombre restreint d’utilisateurs, est né en 2011 l’ePub 3, troisième version du format standard ePub. Avec lui, de nouvelles possibilités sont apparues, notamment en termes d’enrichissement du livre numérique, autrefois exclusivement proposé par l’application d’Apple. Après deux ans d’existence, voici un état des lieux de l’ePub 3 enrichi. Quelles sont les opportunités que ce format offre et quelles sont les limites qui freinent son développement ?
Si l’ePub 2 permet d’insérer des liens et des images dans le texte, l’ePub 3 améliore ces fonctionnalités et est capable d’enrichir l’ebook par l’intégration de contenus multimédia, à savoir du son (texte lu à haute voix, bruitages, musique, etc.) et des vidéos. Il permet également une interactivité plus poussée grâce à l’animation de texte ou d’objets, l’apparition de fenêtres pop-up, la présence de quizz, de jeux, etc. Voici un exemple d’ePub 3 enrichi : Kadath, le guide numérique de la Cité Inconnue (H.P. Lovecraft) de Walrus Studio et Mnémos éditions.
L’ePub 3 enrichi offre de réelles opportunités, tout d’abord à l’éditeur, puisque le format déploie une riche palette de possibilités techniques, notamment au niveau du graphisme (design, illustrations, mise en forme du texte). Il permet une plus grande liberté de création et optimise l’adaptation numérique d’un contenu papier, par exemple dans le domaine du livre de jeunesse. Il autorise également le mélange entre fixed-layout (fidélité au livre papier) et reflowable text (adaptation du texte à l’écran de lecture), l’ePub 2 ne prenant en charge ces deux formats que séparément.
Avec l’ePub 3, de nouvelles expériences de lecture apparaissent. Les opportunités sont donc également à saisir du côté du lecteur, principalement dans le domaine de l’édition jeunesse. Le personnage d’une histoire peut prendre vie, vous faire pénétrer dans son univers et vous inviter à jouer avec lui. L’enfant s’éveille ainsi à la lecture par l’expérimentation du versant ludique de cette dernière. Il développe son imagination et ses capacités cognitives en jonglant avec les différents éléments interactifs que propose l’ebook enrichi.
Cependant, malgré les possibilités intéressantes qu’offre l’ePub 3, ce dernier reste encore peu populaire. En effet, deux années ont passé et les ventes de ce format n’ont toujours pas décollé. Pourquoi ? La réponse se situe du côté des limites de cette troisième version ePub, notamment en ce qui concerne les supports de lecture capables d’assurer ses fonctionnalités multimédia. Bien qu’il ait été conçu, à l’origine, comme un format ouvert, apte à être lu sur tous les appareils de lecture, l’ePub 3 n’est cependant au maximum de ses possibilités interactives que sur un nombre restreint de supports, les liseuses ne prenant par exemple pas en charge les vidéos.
Si l’ePub 3 enrichi amène de nouvelles expériences de lecture, celles-ci peuvent néanmoins s’avérer contre-productives dans le cas où l’ebook n’a pour vocation première que de multiplier les démonstrations techniques du format. La lecture peut devenir complexe dès lors que la trame de l’histoire est sans cesse interrompue par des jeux, des vidéos et des animations intempestives, parfois sans valeur ajoutée. La taille élevée d’un ePub 3 contenant du son, des vidéos ou des animations peut également rebuter le lecteur qui, à chaque ouverture de l’ebook, doit attendre un certain temps de chargement. Enfin, il reste à soulever la question du KF8, le format propriétaire d’Amazon, lequel ne supporte pas encore toutes les fonctionnalités de l’ePub 3 enrichi.
Il semble donc que ce format ait beaucoup à offrir mais qu’il rencontre également certaines limites. Même si l’ebook enrichi constitue un puissant média de communication pour l’éditeur, il s’agit de ne pas perdre de vue l’objet livre, de ne pas dénaturer ce dernier, au risque de noyer le lecteur d’informations et de le perdre en chemin. L’enrichissement numérique doit parfaire le livre numérique, servir sa dimension narrative originelle et se construire en arrière-plan de celle-ci afin d’améliorer, et non d’entraver, l’expérience du lecteur. La conception de livres enrichis implique donc, dans un premier temps, une réflexion éditoriale aboutie et, dans un second temps, un travail de programmation informatique avec de nouveaux acteurs.
G.N.
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— Gaëlle Noëson