L’ebook en Russie ? Il émerge !
Qu’en est-il des ebooks au pays des romans-fleuves et des longs trajets en train?
Depuis 2008, la lecture d’ebooks augmente en Russie. Entre 2011 et 2012, elle aurait d’ailleurs doublé pour former… 1% du marché du livre russe actuellement! Nous sommes néanmoins encore loin d’un score américain…
Pourquoi ? Le piratage fait encore et toujours des ravages en Russie : les contenus piratés étaient estimés en 2013 à 90, voire 95% des livres téléchargés. L’agence Rospechat (agence fédérale pour la presse et la communication en Russie) a d’ailleurs coordonné une campagne en ligne encourageant les lecteurs à lire en toute légalité. Un livre numérique est moins cher en Russie qu’en Europe par exemple : pour 120 roubles – une tasse de café ou un déjeuner spartiate dans une cantine russe – vous pouvez déjà vous en procurer. Pourquoi pirater et ainsi mettre vos auteurs en péril, arguent dès lors les défenseurs du livre?
Quoi qu’il en soit, les investisseurs ont tout l’air de croire en la croissance du livre numérique en Russie. LitRes est le leader russe en ce qui concerne la vente d’ebooks en russe et d’autres langues : la société occupe 60% du marché russe, où elle est active depuis 2006. On estime que 380 000 à 400 000 titres sont mis en vente par LitRes. Dans les trois dernières années, les ventes d’ebooks et d’audiobooks de cette société auraient décuplé. Serait-ce cet exploit qui a permis à LitRes de lever cinq millions de dollars en octobre 2013 auprès du Fonds Russe d’Investissement pour la Technologie et Internet (RITF) ? Le RITF a de cette façon acquis des parts – dont la proportion reste inconnue – dans la société. Ce mois de mai 2014, Ozon a lui aussi investi dans LitRes à concurrence d’un montant encore inconnu. Ozon est parfois surnommé « l’Amazon russe » : en 1998, la société d’e-commerce commence par vendre des livres, des CD, des DVD. Elle vend maintenant de tout, y compris des voyages. Elle semble déterminée à ne pas laisser passer le train du livre numérique en Russie…
Autre signal intéressant renvoyé par le livre numérique et ses lecteurs en Russie : Bookmate a remporté le « Publishing for Digital Minds Innovation Award » décerné à la London Book Fair ce printemps. Bookmate permet d’accéder à environ 250 000 titres sur différents supports et d’échanger avec d’autres lecteurs, pour un montant mensuel de 120 roubles – adapté au pouvoir d’achat local. Elle appartient à « Dream Industries », tout comme Zvooq, qui s’occupe de musique en ligne. Notons au passage qu’Ulmart, un géant russe du commerce électronique, a investi dans Dream Industries. La start-up digitale a deux caractéristiques marquantes : d’abord, elle s’est lancée de Moscou en 2009 pour rayonner en Russie et dans la Communauté des États Indépendants (e.g. Kazakhstan), en Ukraine, bref auprès de communautés russophones. Elle prévoit de grandir vers la Turquie et l’Amérique latine et d’accompagner de cette manière l’arrivée du livre numérique dans les pays émergents. Ensuite, les éditeurs présents sur Bookmate reçoivent des données sur le comportement des lecteurs – leur localisation, le temps passé plongé dans tel ou tel livre – ce qui leur permet d’adapter leur offre et… les attire sur Bookmate!
Certes, la Russie est immense et les disparités entre zones urbaines et zones rurales le sont tout autant : la lecture numérique se fait d’ailleurs bien plus à Saint-Pétersbourg et à Moscou que dans le reste du territoire. Certes, le piratage est un concurrent insaisissable. Il n’en demeure pas moins que les russophones sont légion, en Russie et au-delà, et que les investisseurs ont l’air d’y flairer des opportunités de croissance… D’ailleurs Amazon et Kobo auraient fait des avances à des éditeurs russes! Affaires à suivre donc!
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— Sibylle Greindl