Texte et analyse de données, épisode 1.
Le texte – journalistique, littéraire – se métamorphose à l’écran et des données en sont extraites. Comment notre mode de lecture évolue-t-il alors ? Comment ces données peuvent-elles être utilisées ? Nous vous proposons une visite guidée à travers ces questions en trois épisodes…
Pour attaquer ce vaste sujet par un angle bien concret, jetons donc un oeil aux journaux : les nouvelles, surtout en anglais, passent de plus en plus par les écrans des smartphones. Cory Bergman est à la tête de Breaking News, une start-up mobile appartenant au réseau de télévision américaine NBC News. En choeur avec Wolfgang Blau, en charge de la stratégie digitale pour The Guardian, Cory Bergman suggère de développer une présentation de l’actualité pensée en priorité pour le téléphone, adaptable à l’écran d’ordinateur. Divers faits font écho à ces recommandations:
- une étude du Reuters Institute montre qu’en 2014, 47% des utilisateurs de smartphones recourent à des applications pour suivre l’actualité – une augmentation de 6% par rapport à 2013 ;
- des statistiques du Times indiquent qu’environ la moitié de ses lecteurs passent par un écran du type smartphone ;
- Vox.com, un site d’information financé par Vox Media et qui a attiré entre autres Ezra Klein, un journaliste parmi les étoiles montantes du Washington Post, a été pensé pour des lecteurs sur téléphone ;
- bourses de recherche et opportunités de formation dans ce domaine sont toujours plus nombreuses. Le très réputé Knight Center, par exemple, dispense via internet un cours introductif au journalisme à l’ère du smartphone.
À quoi ressemblent ces nouvelles servies sur un écran de téléphone ? Allons-nous avoir droit à de l’actualité compressée ?
Et bien… pas nécessairement, semble-t-il! Frank Rose, pour le magazine Wired, relève qu’un site comme BuzzFeed, pensé à l’origine pour retenir un bref instant l’attention des lecteurs sur smartphones, cherche maintenant à offrir des reportages de plus longue haleine dans l’espoir de mieux répondre aux attentes de ses lecteurs. Une histoire de 6200 mots y a été consultée plus d’un million de fois et a retenu l’attention des lecteurs pendant plus de 25 minutes en moyenne! La magie des mots n’est pas seule à agir : les illustrations et les graphes qui permettent de visualiser une série de données dans un espace limité sont ici cruciaux. Ainsi, Simon Rogers, qui a travaillé pour The Guardian et est aujourd’hui chez Twitter, raconte qu’un visuel a 50% de chance de plus qu’un texte d’être «retweeté». Notons, avec Frank Rose toujours, que le trafic sur les sites mobiles est souvent amené via les réseaux sociaux : des journaux américains – Quartz (The Atlantic) ou le New York Times – mettent donc au point une présentation susceptible d’accrocher qui flâne sur Twitter, par exemple.
Si vous, vous apprenez quelque chose de substantiel d’un contenu, sachez que lui aussi apprend sans doute quelque chose de vous… Vous venez de le lire, les journaux à travers l’écran peuvent savoir combien de temps vous avez passé sur tel ou tel article et comment vous y êtes arrivé. Ces données valent de l’or et les médias s’en rendent compte : leur analyse fine les aide à ajuster leur offre aux besoins de leurs lecteurs et donc à les fidéliser. Comment, pourquoi, avec quelles conséquences ? Cet engouement pour les smartphones et la capture de données se retrouve-t-elle également côté e-books ? Quel impact aurait cet engouement sur le financement de toutes ces histoires? Suite aux prochains numéros…
Crédit photo: businessjournalism.org
— Sibylle Greindl