Les clés de la culture contemporaine
Bebooks lance une nouvelle collection numérique et en impression à la demande, vitrine de la recherche sur la culture contemporaine.
Culture contemporaine, késako? Sous cette appellation se retrouve la culture que tout un chacun croise au quotidien à travers une variété de médias : « je pense à la littérature populaire, de genre, à la science-fiction, à la fantasy, aux blockbusters hollywoodiens, aux séries télévisuelles, aux séries en bande dessinée, aux jeux vidéo, bref à tout ce dont tout le monde a déjà entendu parler » énumère Björn-Olav Dozo, directeur de la collection et chercheur en humanités numériques et cultures populaires à l’Université de Liège. Ces vingt dernières années, ces productions ont connu un essor formidable et de nombreux travaux de recherche s’y sont intéressés. « Vraiment, aujourd’hui, il y a matière à faire une carrière de recherche autour de la culture contemporaine » explique Björn-Olav Dozo. Or, à l’heure actuelle, ces travaux universitaires ont peu de visibilité. C’est pourquoi les éditions Bebooks ont préparé cette nouvelle collection dédiée à la recherche sur la culture contemporaine. Le FNRS soutient la publication du premier volume.
Cette nouvelle collection vise-t-elle à asseoir la légitimité de ces productions culturelles contemporaines? « Non, assure Björn-Olav Dozo. Ce serait là un combat d’arrière-garde. En revanche, pour comprendre le monde dans lequel on vit, il est utile de s’intéresser à cette culture du quotidien. Elle est un excellent révélateur des enjeux contemporains ».
Björn-Olav Dozo s’appuie sur son expérience d’enseignement des genres paralittéraires à l’Université de Liège pour expliquer la portée pédagogique de la culture contemporaine : « Lors d’un cours, faire appel à ces références partagées par tous donne aux étudiants le goût de la matière, les aide à y entrer ». Ensuite, aborder la culture contemporaine avec une démarche universitaire permet aux étudiants de comprendre la richesse de cette même démarche. Cette approche critique donne un éclairage nouveau à des éléments quotidiens et populaires. Elle permet aux étudiants de ne pas développer une schizophrénie culturelle, avec d’un côté ce qu’ils regardent en rentrant chez eux le soir et d’un autre, des références qui ne sont plus évoquées qu’à l’université. L’idée est de montrer combien les outils permettant d’analyser les œuvres classiques peuvent enrichir la réception de cette culture contemporaine, et combien cette culture mainstream puise dans ces œuvres intemporelles.
Le premier volume de la collection, qui paraît cette semaine, est dû à Fanny Barnabé et s’intitule Narration et jeu vidéo. Le manuscrit fut couronné du prix BILA (Bibliothèque des littératures d’aventure) en 2012. Classique en game studies, la question de la narration dans le jeu vidéo continue d’interpeller chercheurs, consommateurs et professionnels de l’industrie, après avoir participé à la structuration du champ de recherche ces quinze dernières années.
Un jeu vidéo peut-il raconter une histoire ? De quels moyens spécifiques dispose-t-il pour y parvenir ? Partant de ces questions, l’ouvrage Narration et jeu vidéo. Pour une exploration des univers fictionnels propose un modèle explicatif fondé sur la notion riche d’univers fictionnel. Sur cette base, il propose de penser la narration vidéoludique hors des cadres traditionnels et de la concevoir comme un dispositif non figé, ouvert à l’infinité d’actualisations possibles que représente chaque partie jouée.
L’un des volumes suivants s’intéressera au cyberpunk et au steampunk, en décrivant une sorte d’archéologie littéraire du transhumanisme. Ces genres populaires permettent d’interroger à travers la fiction, dès les années 1980, une question aujourd’hui aussi brûlante que le transhumanisme – ou l’augmentation des capacités physiques et spirituelles des humains par la technologie. Parmi les autres volumes en préparation, on trouve également une étude collective des interactions entre les médias jeu vidéo et livre et, un recueil des textes critiques de Dominique Warfa sur la science-fiction.
De tout donc, avec un point commun, et de taille : faire circuler au-delà des murs de l’université des analyses originales sur des productions culturelles partagées au quotidien !
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Crédit photo: justaletter.com
— Sibylle Greindl