La production d’ebooks : un savoir-faire à ne pas négliger

L’ebook est-il l’égal du livre papier ? Qu’il s’agisse d’une TVA similaire à appliquer aux deux formats ou encore des droits des lecteurs en numérique, la question continue de diviser. Qu’en est-il alors au niveau de la qualité ? Car si le confort de lecture est primordial tant en papier qu’en numérique, force est de constater qu’il n’est pas toujours optimal pour ce dernier. Quel impact pour les maisons d’édition ?

De nombreux cas illustrent ce constat : en 2012, « The Casual Vacancy » (« Une place à prendre » en français) de la célèbre J.K. Rowling faisait une entrée remarquée en numérique, malheureusement pas pour les bonnes raisons. Celui-ci était en effet illisible, notamment en raison de problèmes de paramétrage de police, un réglage technique pourtant simple pour les producteurs d’ebooks. L’éditeur, qui n’est autre que Hachette, a rapidement reconnu son erreur et corrigé le fichier, après avoir toutefois essuyé une pluie de critiques.

placeaprendre

Plus récemment, c’était au tour des éditions Grasset de s’attirer les foudres des lecteurs avec l’ebook « Le Rocher de Tanios » d’Amin Maalouf, dans lequel on retrouvait, entre autres, des caractères HTML à la place de guillemets ainsi que de gros problèmes de ponctuation, une qualité d’autant plus dommageable pour un livre qui a reçu le prix Goncourt. Ce genre d’erreurs arrive souvent lorsque l’on procède à des numérisations via OCR (Optical Charachter recognition, Reconnaissance optique de caractères), une technique qui consiste à scanner le livre papier pour le convertir ensuite au format ePub et qui demande un contrôle de qualité consciencieux.

Plusieurs raisons peuvent expliquer ces manquements de qualité.

  • Manque de compétences : la production d’ebooks représente un métier à part entière qui demande du temps et des compétences dont les maisons d’édition ne disposent pas nécessairement en interne (relire notre article à ce sujet ici). Bien souvent, elles confient donc leur catalogue à un prestataire externe spécialisé dans le domaine. Malheureusement, ces prestataires ne sont pas forcément toujours des plus fiables.
  • Manque de moyens : selon la complexité d’un catalogue, une numérisation de qualité peut rapidement coûter cher à l’éditeur et représenter une dépense imprévue dans son budget. Dans ce cas, deux solutions se présentent : numériser à bas prix, sans réelle garantie sur la qualité, ou ne pas numériser du tout.
  • Manque d’intérêt : n’oublions pas que l’ebook en est encore à ses premières années chez nous. À l’heure actuelle, beaucoup d’éditeurs restent encore sceptiques face à ce nouveau format ou le perçoivent comme une source de revenus marginale qui ne mérite pas autant d’attention que le livre papier.
  • Décision tactique ? S’il est tout à fait compréhensible que la transition numérique soit plus longue et plus difficile pour de petits éditeurs, il est en revanche très surprenant de constater que des aberrations techniques se retrouvent dans des best-sellers publiés par des maisons d’édition réputées ou du moins populaires. Dès lors, on peut se demander comment des maisons de cette envergure peuvent permettre la parution d’ebooks défectueux alors qu’elles ont tout à fait les moyens de payer une production de haute qualité et que certaines d’entre elles disposent d’une équipe en interne dédiée au numérique. S’agirait-il d’une décision tactique afin de favoriser le papier ? La question mérite en tout cas d’être posée.

La réputation des maisons d’édition en jeu

Quelles que soient les raisons d’une mauvaise numérisation, c’est bien le lecteur, en bout de chaîne, qui en pâtit, avec la désagréable sensation de se sentir floué, surtout lorsque le prix de l’ebook approche celui du livre papier. Or, à l’heure actuelle, un lecteur mécontent dispose de beaucoup de moyens pour se faire entendre et une mauvaise expérience de lecture peut très rapidement se propager sur les réseaux et entacher l’image d’une maison d’édition. Il est donc primordial pour les éditeurs de ne pas sous-estimer l’impact d’une mauvaise numérisation.

kindle_ebook-100251526-large

L’ebook, un livre à part entière

Plus qu’une question de réputation, le livre numérique reste un livre à part entière. Même s’il s’agit d’un format électronique, immatériel et intangible, le livre numérique est un produit culturel payant qui devrait bénéficier de la même attention que le livre papier et en aucun cas les lecteurs numériques ne devraient se sentir désavantagés par rapport aux lecteurs papier.

Un incitant au piratage ?

Certains lecteurs, déçus face à leur tentative de passer au numérique, pourraient retourner vers le papier. D’autres en revanche pourraient s’interroger sur l’intérêt de payer un ebook mal produit s’ils peuvent s’en procurer un de même voire de meilleure qualité en téléchargement illégal. D’autres encore pourraient tout simplement se détourner des livres publiés par la maison d’édition concernée.

Si le prix d’une bonne numérisation peut sembler élevé de prime abord, elle coûte pourtant moins que la production de livres papiers. N’oublions pas que l’ebook ne demande aucune gestion de stocks ni de réimpression et qu’il est beaucoup plus facile d’y apporter des modifications que de faire produire une nouvelle édition d’un livre papier. Sur le long terme, les ebooks peuvent représenter une belle source de revenus pour les maisons d’édition et leur permettre de toucher un nouveau public. Plus encore, il s’agit réellement d’une question de respect envers le lecteur numérique.

Ailleurs sur Lettres Numériques :

Retrouvez Lettres Numériques sur Twitter et Facebook.

— Mélissa Haquenne

Share Button

Mélissa Haquenne

Digital Publishing Professional