Comment se porte l’auto-édition francophone ?
Récemment, nous avons eu l’occasion de discuter avec Laure Prételat et Charlotte Allibert, toutes deux fondatrices de Librinova, une plateforme de services d’aide aux auteurs auto-édités. Rappelez-vous, nous vous avions présenté cette plateforme en 2015 dans cet article. Deux ans plus tard, faisons le point sur ce type d’édition qui prend de plus en plus d’ampleur !
Retour sur le phénomène
Charlotte Allibert et Laure Prételat sont toutes deux issues de l’édition « traditionnelle ». En 2015, elles font un constat très simple : le nombre de manuscrits envoyés dans les maisons d’édition est trop important pour être traité minutieusement. Les auteurs semblent se multiplier, mais les éditeurs ne sont pas outillés pour tous les publier. En outre, malgré la qualité du manuscrit, publier un auteur inconnu reste une prise de risque pour une maison d’édition. En effet, un certain investissement marketing est nécessaire pour faire connaître un « primo romancier », en plus d’un travail plus intense sur le texte.
Charlotte et Laure décident de trouver une solution afin, d’un côté, d’aider les auteurs à se faire publier plus facilement et, de l’autre, de soutenir les éditeurs dans le traitement des manuscrits. Librinova voit le jour dans cette optique. Le numérique est alors utilisé comme un marché test qui distingue les auteurs à potentiel. Pour Charlotte Allibert, « le rôle de Librinova est de faire de l’auto-édition un tremplin vers l’édition ».
Précisons que Librinova n’est pas une maison d’édition à compte d’auteur. Elle se décrit comme une plateforme de services d’aide à l’auto-édition. En effet, la totalité des droits sur le livre sont conservés par l’auteur. Aucun contrat d’édition n’est signé avec Librinova, ce qui autorise l’auteur à publier son roman sur d’autres plateformes et à démarcher des éditeurs dans le même temps. Librinova reverse également l’intégralité des droits d’auteur hors la remise libraire. L’auteur perçoit donc 70 % des droits sur la vente numérique de ses livres.
Pourquoi choisir l’auto-édition ?
L’auto-édition offre aux auteurs trois opportunités non négligeables :
- faire vivre ses écrits et rencontrer son public. Le numérique permet à un auteur auto-édité d’être présent sur les librairies en ligne du type Amazon, à l’instar de n’importe quel autre auteur publié à compte d’éditeur ;
- vendre son roman. Certains auteurs auto-édités avec Librinova gagnent parfois mieux leur vie que des auteurs issus de l’édition « traditionnelle ». Parier mais pas jouer (tome 1) de Chrys Galia est le best-seller de la plateforme, qui s’est vendu à plus de 10 000 exemplaires ;
- se faire repérer par l’édition « traditionnelle » et accéder à la signature d’un contrat d’édition.
Il persiste toutefois quelques limites liées à ce type d’édition. Effectivement, l’auteur prend en charge toutes les étapes de la chaîne du livre. Cependant, il n’est pas toujours très professionnel dans ses actions. Laure Prételat insiste sur la communication, une étape primordiale, mais également une des plus compliquées pour les auteurs. Certains ont beaucoup de mal à se mettre en avant et à vendre leur ouvrage, aussi attrayant soit-il.
Un succès remarqué, celui de Carène Ponte
Depuis sa création, Librinova a permis à 28 romans d’être édités de manière « traditionnelle » ! En effet, dès qu’un auteur dépasse les 1000 ventes numériques de son ouvrage, il bénéficie du programme « Agent littéraire » de la plateforme. Librinova devient l’agent de l’auteur et se charge de démarcher une maison d’édition dont l’ouvrage suit la ligne éditoriale.
Carène Ponte est une auteure qui a gagné, suite à un concours d’écriture, la publication de son recueil de nouvelles chez Librinova. Ce dernier ayant très bien fonctionné, l’auteure a décidé de proposer un autre roman issu de plusieurs chroniques écrites sur son blog. Un merci de trop est sorti en mars 2015 et est très rapidement devenu un succès. Dès le mois de juin, l’auteure a accédé au top 100 des ventes numériques d’Amazon. Elle a donc bénéficié du programme « Agent littéraire ». En décembre, Carène Ponte signait un contrat chez Michel Lafon.
Constats et futurs de l’auto-édition
Charlotte Allibert et Laure Prételat ont observé un certain développement de l’auto-édition en France ces dernières années. Les auteurs se professionnalisent. Les ouvrages sont davantage travaillés, que ce soit en termes de forme ou de fond. En outre, la demande de la part des auteurs est importante. Pour certains, faire vivre leur roman et le soumettre à un lectorat est devenu essentiel.
Les fondatrices de la plateforme expliquent que les livres auto-édités répondent aussi à un besoin clair du côté des lecteurs, à savoir pouvoir se procurer légalement des livres numériques à petits prix. Effectivement, les chiffres de ventes de livres augmentent d’année en année. Charlotte Allibert confirme que l’évolution de l’auto-édition est fulgurante. « Lors de la création de la plateforme, nous n’avions pas de certitudes quant à l’envie des lecteurs de lire des livres d’auteurs inconnus. Au final, nos livres ont bien plus de succès que ce que nous avions imaginé ! »
À l’avenir, Charlotte Allibert estime que les barrières entre les deux types d’édition vont s’estomper. De cette manière, les transferts d’un type d’édition à l’autre vont se développer proposant : « d’un côté des auteurs auto-édités qui signent des contrats d’édition mais aussi des auteurs édités « traditionnellement » qui testent cette nouvelle voie pour des textes qui sortent de l’ordinaire ».
À l’heure actuelle, l’auto-édition est devenue, pour les fondatrices, un véritable maillon supplémentaire de la chaîne du livre. Elle se présente comme un moyen formidable pour les auteurs de faire connaître leurs œuvres et une possibilité pour les éditeurs de découvrir des pépites. Les voies à suivre sont nombreuses, tel que nous l’expliquions dans cet article. Il semble donc que les romans initialement auto-édités n’ont pas fini d’être repêchés par l’édition « traditionnelle ».
Iris Thunus
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— Rédaction