Les innovations dans le monde du livre : l’avis de Paola Stévenne, présidente de la Scam
Le 21 novembre prochain se tiendra le colloque annuel du PILEn qui aura pour thème : « Le livre, laboratoire d’innovation(s) ? ». À cette occasion, nous avons rencontré Paola Stévenne, présidente de la Scam Belgique, afin de revenir avec elle sur les révolutions actuelles dans le monde du livre.
Un métier désormais accessible à tou(te)s
Pour commencer, Paola Stévenne insiste sur une citation d’Elsa Dorlin, philosophe française : « Au 19e siècle, dans le contexte esclavagiste états-unien, Elijah Green, ancien esclave né en 1843 en Louisiane, rapporte qu’il était strictement interdit à un noir d’être en possession d’un crayon ou d’un stylo sous peine d’être condamné pour tentative de meurtre et pendu. »
Mettre en regard « livre et innovation » signifie revenir sur une évolution dont toutes les conséquences n’ont pas encore été mesurées. Effectivement, aujourd’hui, le métier d’autrice et d’auteur est devenu accessible à tou(te)s. En voilà une formidable innovation qui fait du livre un véritable vivier !
Des innovations aussi numériques
Nous vous en parlions dans cet article consacré aux diverses études réalisées par l’ADEB sur les chiffres-clés de l’édition numérique en Fédération Wallonie-Bruxelles, les innovations dans le monde du livre sont toujours plus nombreuses. Pour Paola Stévenne, le numérique est évidemment aussi une révolution qui a bouleversé et qui bouleverse encore les métiers artistiques. Chacun est amené à se réinventer et à imaginer de nouvelles formes de création. Les métiers se restructurent et les durées de fabrication se modifient. Les conséquences de ces bouleversements commencent à se ressentir de sorte que les métiers œuvrent davantage dans ce sens. « L’innovation numérique nous ouvre d’autres voies possibles d’expression, de manière de faire. »
En radio, la révolution numérique a permis l’émergence et la multiplication de nouveaux publics. « Comme auditrice, je peux, dans le train, dans le métro… plonger dans l’univers de Brice Canavo, Clara Alloing, Muriel Aliot, Carine Demange, Rémi Pons ou tant d’autres grâce à mon téléphone et au podcast. J’ai juste besoin d’un bon casque pour le confort de mon immersion. » Il est évidemment trop tôt pour affirmer que le numérique a révolutionné l’art radiophonique. Néanmoins, cette nouvelle accessibilité qui multiplie les publics réjouit sensiblement la Présidente de la Scam.
En outre, Paola Stévenne s’interroge sur la question des prescripteurs culturels des podcasts. De fait, comment l’auditeur sélectionne-t-il ce qu’il écoute parmi l’ensemble de l’offre numérique ? « Personnellement, je ne vais que sur quelques sites. Je suis les émissions de 5 producteurs de radio pour en découvrir d’autres. En général, ils diffusent le travail d’autrices, d’auteurs qui m’intéressent, m’interpellent. J’ai besoin d’eux comme guides. D’une ligne éditoriale à suivre. »
Un sujet préoccupant, celui de la diffusion des œuvres littéraires
Selon la Présidente de la Scam, la Belgique devrait porter davantage d’attention au rôle des prescripteurs culturels pour la littérature belge. Citons Les Midis de la poésie qui mettent tout en œuvre afin de favoriser la rencontre avec le public. Cette manière de travailler n’est pas comparable à ce que permet Internet étant donné que la rencontre physique est mise en avant par Les Midis de la poésie.
D’après Paola Stévenne, la télévision et la radio de service public pourraient mettre davantage en œuvre pour faire connaître au public le formidable vivier d’autrices et d’auteurs présent dans notre pays. Naturellement, des moyens sont indispensables pour ce faire. Et le secteur du livre en manque cruellement… La Présidente de la Scam insiste sur la moyenne salariale des créateurs qui est un peu près équivalente à celle du secteur du documentaire de création, soit environ 300€ par mois. Le constat est clair : pour l’heure, en Belgique, excepté quelques exceptions, on ne peut pas vivre de sa plume… à moins d’être nanti(e)s. « Est-ce que ce qui serait réellement innovant, ce ne serait pas d’investir dans la création en finançant le travail des créateurs quel que soit le support qu’ils choisissent d’utiliser ? »
Le rôle de la Scam
La Scam est une société de gestion collective de droit d’auteur. Un lieu où les ressources sont mutualisées pour défendre le droit des autrices et des auteurs à une juste rémunération au même titre que les exploitant(e)s des œuvres proposées.
Un certain budget est dédié à l’action culturelle par la Scam. Ce budget est alloué à la promotion des œuvres, mais encore au soutien ou à l’organisation des formations sur divers sujets, comme le rôle de l’auto-édition, la manière de travailler d’un éditeur, la publication d’un second roman, la création de barèmes, etc.
D’après Paola Stévenne, il est évident que de nouveaux modèles économiques sont à inventer. Ceux que nous avons aujourd’hui ne nous permettent pas de soutenir et de développer tout le potentiel d’innovation que nous avons. De nombreuses questions restent donc en suspens. Certaines réponses seront peut-être mises en avant lors de la rencontre du PILEn du 21 novembre. Vous retrouverez l’ensemble des informations via ce lien.
Iris Thunus
— Rédaction