Les BookTubeurs, critiques littéraires 2.0
Si le phénomène « Booktube », néologisme né de la contraction de book et de YouTube, existe depuis le lancement de la plateforme, il a pris de l’ampleur ces dernières années. Se mettant en scène devant leurs bibliothèques souvent bien fournies, les BookTubeurs partagent leurs coups de cœur et proposent des chroniques décalées autour du livre, qu’ils publient sur YouTube. François Coune, étudiant en communication, nous parle de ces critiques littéraires d’un nouveau genre, sujet de son travail de fin d’étude.
Quel est le profil-type d’un BookTubeur francophone ?
Tout d’abord, un BookTubeur est très souvent UNE BookTubeuse. Âgée de 20 à 30 ans, la BookTubeuse-type est une fan inconditionnelle de la saga Harry Potter, elle présente en grande partie de la littérature Young Adult sur sa chaîne et travaille dans le domaine du livre, à côté de son activité de vidéaste amateur.
La plupart des Booktubeurs ont également un blog. Cette complémentarité avec d’autres médias est-elle une caractéristique générale du phénomène BookTube ?
J’ai envie de vous répondre que cela ne concerne pas que BookTube ! Tout le monde (ou presque) est présent sur différents réseaux sociaux. Après, il est clair que les BookTubeurs aiment se diversifier et donner de l’exclusivité et des contenus différents sur chaque réseau social. D’ailleurs, un nouveau phénomène a vu le jour : la communauté Bookstagram, des blogueurs qui tiennent un compte Instagram autour du livre et de la littérature.
À chaque média correspond par ailleurs un public cible. Selon certains BookTubeurs interviewés dans le cadre de mon travail, un public plus âgé aura tendance à privilégier une critique écrite (et donc un blog) à une critique vidéo.
Pour le moment, BookTube nous semble surtout s’intéresser à la littérature Young Adult, pensez-vous que cette représentation des genres littéraires va s’élargir à l’avenir ?
Les BookTubeurs s’intéressent en effet surtout à ce genre trop peu souvent mis à l’honneur par des critiques plus conventionnels. Ce phénomène s’explique sans doute par le fait qu’ils s’adressent au public le plus difficile à atteindre pour ces professionnels : les plus jeunes. De plus, les maisons d’édition dont les œuvres sont destinées à la jeunesse s’intéressent beaucoup aux BookTubeurs, eux-mêmes généralement de cette tranche d’âge. Le Young Adult est ainsi majoritairement présent, mais on peut véritablement trouver de tout. Certains BookTubeurs s’intéressent par exemple aux classiques, aux essais ou encore à la littérature féministe. C’est donc une communauté déjà très variée et qui, d’après moi, continuera à se diversifier dans les années à venir !
Est-ce le futur de la critique littéraire ? Autrement dit, est-ce que BookTube pourrait se substituer aux libraires dans leur rôle de conseil et aux critiques littéraires « classiques » ?
Pour ma part, je considère BookTube comme un outil intéressant qui complète les médias traditionnels. Ils ne viennent donc en aucun cas prendre la place des critiques professionnels. Mais il est vrai que la plupart des BookTubeurs présentent une œuvre de manière assez détaillée et émettent un avis réellement renseigné. En ce sens, ce sont de véritables critiques littéraires du net.
Pensez-vous que les critiques de BookTubeurs ont réellement un impact sur les ventes de livres ?
C’est une question que j’ai posée aux auteurs et maisons d’édition interrogés pour mon travail. D’après eux, l’impact se ressent surtout lors de salons et foires du livre : certains visiteurs arrivent en effet en disant « j’ai entendu parler de votre livre sur YouTube et cela m’a donné envie de le lire ». Je pense que cela arrive régulièrement pour des auteurs Young Adult.
En fonction du nombre d’abonnés, les BookTubeurs peuvent donc avoir un impact sur la vente des livres. L’une d’entre elles, Bulledop, propose même des chroniques sur France 2 ; son travail a donc certainement une influence non négligeable.
Certains BookTubeurs qui ont professionnalisé leur activité reçoivent des cadeaux de la part de libraires. Leurs critiques sont-elles dès lors réellement indépendantes ?
À nouveau, j’ai moi-même posé cette question à plusieurs BookTubeurs. En fait, tout dépend de ce qu’ils ont envie de faire, et de la manière dont ils établissent leurs partenariats. D’après moi, la majorité d’entre eux (et en tout cas, tous ceux que j’ai rencontrés) restent tout de même neutres et francs.
Les chaînes principales de ces critiques littéraires du net sont reprises sur le site BookTube.fr, n’hésitez pas à y jeter un œil pour (re)découvrir ce phénomène, qui illustre une nouvelle transformation des habitudes de lecture rendue possible par le numérique.
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— Raphaël Dahl