Danse connectée : rencontre entre deux univers
Lors de la 18e Biennale de la Danse qui a eu lieu à Lyon cet automne, les visiteurs ont pu découvrir un parcours inédit : celui de la danse connectée. Situé à l’intersection des corps et des technologies, ce projet propose d’interroger notre rapport à l’image dans des pratiques traditionnellement axées sur le mouvement organique. Réalité augmentée, casques VR, capteurs de mouvement… sont-ils autant de gadgets encombrants ou les vecteurs d’une connexion plus profonde avec le public ?
Le spectacle vivant se redéfinit. Dans un monde où les médiations technologiques abondent, écrans, smartphones et langages de programmation participent à notre expérience, qu’elle soit quotidienne ou sublimée dans une création artistique. Désireux de rompre avec une rigidité disciplinaire qui cantonne les pratiques artistiques à des genres aux codes spécifiques, les organisateurs de la biennale ont voulu intégrer ce rapport à la technologie dans les créations proposées cette année. Et avec succès : des listes d’attente régulaient l’entrée à ces expériences prisées, au cours desquelles les participants ont pu éprouver des paysages virtuels défiant les lois de la physique, ou encore s’immerger dans une intimité simulée avec les danseurs. Une expérience vertigineuse, selon certains, où le bouleversement des sens appelle à désinhiber le corps. Autrement dit, un dispositif qui donne une étrange envie de danser.
Le Dansathon, nouvel enjeu de production
Ces spectacles, par leur caractère inusité et leur coût en matériel élevé, n’ont pu profiter qu’à un public restreint : leur mise en place pose un véritable enjeu en termes de production. C’est pourquoi les organisateurs ont intégré le Dansathon au festival, un concours rassemblant chercheurs, danseurs et designers en vue d’imaginer de nouveaux dispositifs autour de la danse. Se déroulant simultanément à Londres, à Lyon et à Liège, le Dansathon s’inspire du « hackaton » pour inviter les participants à élaborer des prototypes lors d’ateliers intensifs de trois jours. Ces sessions sont l’occasion de décloisonner des pratiques et de découvrir ce qui peut naître de collaborations transdisciplinaires autour d’une thématique précise : la connexion au public et au territoire. Ainsi, au Théâtre de Liège, 30 candidats se sont mobilisés en groupes de six (designer, chorégraphe, danseur, facilitateur, technicien et développeur) pour réinventer le futur de la danse. Loin des dynamiques d’hyperconnexion et des injonctions à la « gamification », les équipes liégeoises ont préféré faire surgir des connexions douces entre la nature, le corps et le quotidien. Dans You Sky, par exemple, « un ciel se transforme en écho aux déplacements des passants dans la ville ». L’installation invite les usagers à dévier de leurs trajectoires habituelles vers une poétique de l’espace public. L’équipe gagnante, dont le projet s’intitule Cloud Dancing, a quant à elle mobilisé des outils plus spectaculaires. Grâce à un casque de réalité virtuelle, les spectateurs peuvent vivre la chorégraphie interprétée par les danseurs en live et via des images 3D.
Liège crée de l’impact
Avec le soutien de BNP Paribas, les groupes lauréats de chaque ville se sont vus attribuer une bourse au développement de 10 000 euros ainsi qu’un accompagnement par le théâtre structurant. Si on peut éprouver certaines réticences face à ce type de mécénat issu du monde de la finance, les curieux pourront donc découvrir la création de l’équipe belge au Théâtre de Liège très prochainement. En attendant, celui-ci organisera durant le mois de novembre le forum IMPACT, International Meeting in Performing Arts & Creative Technologies. L’évènement proposera des dialogues interdisciplinaires sur l’avenir des arts de la scène ainsi que des représentations connectées, dont le spectacle VR_I par Gilles Jobin & Artanim, présenté à Lyon.
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— Emma Kraak